L’Etat ordonne une étude d’impact environnemental du projet EIF dans les murs à pêches
Partager

Le groupe Alternative Écologiste à Montreuil salue la décision de la DRIEE de réaliser une évaluation environnementale du projet EIF dans les murs à pêches de Montreuil et demande une révision urgente du projet en concertation avec les élus, riverains et acteurs de projet.

Le 1er octobre s’est tenue dans la Maison des Murs-à-Pêches une nouvelle réunion publique consacrée au projet EIF, et plus particulièrement à la restitution d’une étude récente sur la pollution. Devant une salle remplie, mais moins bondée que lors de la réunion d’octobre 2017, l’élu en charge du projet Jean-Charles Nègre, une représentante de l’Etablissement Public Foncier d’ile-de-France qui est propriétaire de l’usine EIF, une représentante du bureau d’étude qui a étudié la pollution, une représentante de Bouygues-Urbanera qui mène le projet ont présenté le résultat des études ainsi qu’un plan de gestion de cette pollution et un calendrier, tout en s’efforçant d’être rassurants. Nous publierons prochainement un compte-rendu détaillé de la réunion.

Globalement, ainsi que le souligne l’article du Parisien paru le jour même, les études ont fait apparaître une pollution plus grave que ce qui était attendu. Les propos rassurants de l’EPFIF n’y changent rien, et c’est JC Nègre qui le souligne d’ailleurs dans l’interview du Parisien : « Nous avons eu beaucoup de confirmations mais la surprise, cest la gravité de la pollution. C’est une pollution lourde : sur les quantités, sur la profondeur, sur le fait que la nappe phréatique et leau sont gravement atteintes. »

Un plan de gestion a été présenté, et un scénario de dépollution mixte a été retenu : on excaverait 600m3 de terres (soit 90 camions) mais on traiterait le reste in situ. On utiliserait aussi des techniques de venting (aération) et dinjection de produits dépolluants dans la nappe. La durée de cette opération de dépollution serait de 18 à 24 mois. JC Nègre a affirmé que la construction de logements ne serait bien sûr possible qu’une fois des tests effectués pour s’assurer que la dépollution est effective.

Le reste de la réunion a été consacrée à l’annonce du lancement imminent (avant fin octobre) de lappel à projet concernant le développement de micro fermes dagriculture urbaine dans le secteur. Le projet est de créer 12 à 13 fermettes et que les premiers lauréats soient annoncés au printemps 2019. Une annonce assez surréaliste compte tenu des informations sur la pollution du secteur.

Par ailleurs le calendrier des permis de construire pour les logements a été annoncé par la représentante de Bouygues : ils visent un dépôt des demandes au 1er semestre 2019.

Face à cela, le groupe Alternative Ecologiste à Montreuil a soulevé une série de questions auxquelles ont été apportées des réponses très insuffisantes :

Est-il bien raisonnable de continuer d’envisager de construire des logements sur les parcelles Est, alors que leur niveau de pollution n’est pas bien connu de l’aveu même du bureau d’étude, et que la dépollution n’est pas garantie au terme des 24 mois?

– Comment peut-on envisager d’instruire des permis de construire sans l’assurance que l’état de pollution sera compatible avec des usages de logement?

– Comment peut-on faire dépendre la réhabilitation de l’usine d’une construction de logements aussi hypothétique?

– Comment peut-on lancer un appel à projet pour le développement de microfermes agricoles et de productions alimentaires quand on ne connaît pas précisément le type de culture qui sera possible, en pleine terre ou hors-sol, ni le niveau exact de pollution?

– Comment la Mairie a-t-elle pu ordonner de creuser des tranchées de 1 mètre de profondeur sur les parcelles Est, au risque d’endommager les murs et de libérer des gaz polluants contenus dans le sol?

Une décision de la DRIEE (Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie, organisme chargé de contrôler les activités industrielles à risque sous l’autorité du Préfet) en date du 5 octobre vient confirmer nos doutes et nos craintes et le caractère totalement irréaliste et dangereux du projet EIF tel qu’il est présenté. Elle vient aussi contredire les affirmations des personnes en charge du projet (voir le texte de la décision joint)

Dans son arrêté, la DRIEE souligne en effet la présence de polluants dans les sols, dans les gaz de sols et dans la nappe, avec d’importants dépassements. Elle souligne que « les études réalisées concluent que ces évaluations sont insuffisantes et qu’elles doivent encore être affinées, notamment dans le cadre de la réalisation d’un plan de gestion ». Elle rajoute que « les techniques de dépollution ne pourront être retenues définitivement et mises en oeuvre qu’après réalisation d’essais de traitabilité concluants ».

Elle nous révèle aussi que contrairement à ce qui a été affirmé en réunion, tous les murs ne seront pas restaurés : « le maître d’ouvrage prévoit de préserver les murs qui sont en bon état et de ‘restructurer au sein du projet les plus dégradés’. Traduction : les murs qui sont sur la parcelle Est seront intégrés aux logements et perdront donc leur qualité de murs à pêches, quand ils ne seront pas simplement démolis. Or, ajoute la DRIEE, il s’agit « d’éléments repérés comme présentant un intérêt patrimonial intéressant ou majeur ».

Elle souligne enfin que des diagnostics complémentaires sur les continuités écologiques et sur les espèces (chiroptères, insectes, oiseaux…) doivent être effectués, que les travaux vont générer des « nuisances potentiellement notables », sans compter les nuisances liées la présence d’infrastructures routière bruyantes et la création prévue par le projet de 69 places de parking.

Pour Gilles Robel, coprésident du groupe Alternative Ecologistes à Montreuil, « En tant qu’élus écologistes nous ne pouvons pas soutenir ce projet qui fait peser des menaces importantes sur le patrimoine naturel et historique de la ville de Montreuil. Nous appelons à ce que, dans l’intérêt même du projet de réhabilitation de l’usine pour les acteurs de l’ESS, le projet de construction de logements sur les parcelles Est soit abandonné et des alternatives soient sérieusement étudiées. Et nous demandons que la calendrier de l’appel à projet sur l’agriculture urbaine soit revu pour intégrer de façon réaliste la lutte contre la pollution du secteur. »

Les calendriers annoncés par la Mairie et les promoteurs du projet ne sont pas réalistes. Il n’est pas possible d’instruire et à a fortiori de délivrer des permis de construire tant que le site n’a pas été dépollué, et rien ne prouve que la dépollution sera effective dans 24 mois. L’expérience de Wipelec, site industriel gravement pollué avec le même type de solvants à Romainville le prouve : la dépollution n’a fait que remonter plus de polluants à a surface, et la construction de logements sur le site est impossible.

Il est dans l’intérêt du projet lui-même de renoncer dès à présent à la construction de logements à cet endroit et nous ne comprenons pas comment certains élus écologistes, qui s’opposent par ailleurs au projet de la Corniche des Forts ou à Europacity, peuvent persister à soutenir ce projet. Si les échelles et la nature des projet varient, sur le fond il n’y a pas grande différence.

Plus globalement nous appelons à la définition d’une solution globale pour le site qui doit cesser d’être considéré comme une réserve foncière mitée par différents projets, sans pour autant le muséifier, ni le figer. La création d’un Groupement d’Intérêt Public, indépendant de la municipalité et qui réunirait l’ensemble des acteurs du site pourrait être une bonne solution.

Le document de la DRIEE : driee-sddte-2018-216