Aux arbres de la fraternité, par Catherine Pilon
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Aujourd’hui je suis triste. Deux arbres centenaires, des platanes, ont été coupés place de la Fraternité à Montreuil et cela fait un grand vide… qui va durer car  les jeunes arbres qui seront plantés ne fourniront absolument le même effet, et ce pendant des années. Ces arbres en ont vu, des histoires… des parties de boules, des jardins partagés de part et d’autre, des fêtes de la soupe ou de la crêpe, des danses roms, une projection de Back soon de Solveig Anspach, des acrobates, une grande lessive, et aussi des bastons, un incendie, du deal …. Ils trônaient avec les autres sur cette place très fréquentée, lui donnant de faux airs de Provence, puis de Barcelone avec les bancs « gaudiens » de Michèle Coudert… Une place qui suscite de la colère pour les nombreux mésusages, mais aussi beaucoup d’attachement, entre deux villes qui se côtoient et qui la fréquentent en ignorant les frontières administratives.

L’annonce du diagnostic de maladie a provoqué beaucoup d’émoi, et ce d’autant plus qu’était préconisé l’abattage de 6 arbres. La communication de la mairie a été tellement sommaire, que cet émoi s’est transformé en colère. A l’entrée d’un été prévu pour être particulièrement chaud, cela apparaissait comme une provocation de priver les habitants d’un  ilot de fraicheur. Et en même temps, si des experts prévoient un danger de chute, une ville est tenue de protéger les passants…
Remises en cause par des habitants qui « s’y connaissent un peu », les préconisations du bureau d’étude n’ont pas convaincu. Une contre-expertise a été financée par un collectif citoyen, qui a proposé des solutions moins radicales, tout en partageant le même diagnostic. Au final, cette  contre-expertise aura permis de sauver 4 sujets âgés, ce qui est une vraie bonne nouvelle, qui atténue la peine de voir les deux souches à côté…Que le collectif citoyen en soit remercié.

La conclusion de cette histoire c’est qu’il faut faire mieux pour protéger notre patrimoine arboré et pour le développer, en l’adoptant à nos villes qui se densifient.

La communication et l’information ont manqué pendant tout le processus. La ville a négligé l’attachement séculaire des habitants pour les arbres, qu’ils soient de Montreuil ou de Bagnolet. Les bourdes se sont accumulées : panneau sommaire d’information d’abattage sans explication, retard dans la transmission des diagnostics et fourniture de versions expurgées, dessin malheureux d’une piste cyclable qui n’avait nul besoin de couper un arbre pour se déployer. Pourtant la ville n’avait rien à y gagner et les rumeurs aujourd’hui qui disent que l’espace libéré servira à des cabanes de chantier seront – je l’espère – rapidement démenties.

Le projet de budget participatif qui a été élaboré après moult concertations doit être retravaillé. Il s’est construit autour des arbres existants et donc il doit maintenant se réinventer pour être plus végétalisé, pour être plus efficace contre les fortes chaleurs… Cette expérience douloureuse devrait déboucher sur un terrain d’expérimentation pour inventer une nouvelle façon de végétaliser la ville, en renonçant dans des espaces aussi étroits, avec des immeubles qui jouxtent la place, à positionner des arbres aussi hauts et dont les branches sont condamnées à être fortement rabattues année après année pour permettre aux appartements de recevoir la lumière, car cela les fragilise.

Quelle canopée devons-nous inventer qui soit compatible avec les usages multiples de cet espace ? Comment garantir des pratiques d’élagage plus respectueuses avec des cabinets qui connaissent des méthodes innovantes pour sauver les arbres malades et prévenir le développement des champignons ? De beaux défis pour demain mais qui impliquent de changer de posture…