Intervention de Gilles Robel contre la réadhésion au SEDIF des villes de Noisy et de Bobigny
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Intervention de Gilles Robel au nom du groupe Ecologie et Citoyenneté pour voter contre la réadhesion de Noisy et Bobigny au SEDIF et plaider en faveur de la gestion publique de l’eau lors du conseil de territoire d’Est-Ensemble de ce mardi 22 janvier 2019 :

« M. le Président, chers collègues

La délibération qui est soumise à notre approbation ce soir nous donne un sentiment de déjà vu. Le 3 juillet notre assemblée s’est en effet déjà prononcée sur la réadhésion au SEDIF d’une ville du territoire, et elle a rejeté à une large majorité cette proposition. Nous sommes donc surpris de devoir voter de nouveau sur la réadhésion de Noisy et estimons que seul un vote au sujet de la ville de Bobigny est légitime. Sans parler des menaces proférées par le Président Santini pour nous faire plier. Ces votes à répétition jusqu’à obtenir un vote favorable d’une assemblée souveraine vont à l’encontre de principes démocratiques de base.

Pour le groupe Ecologiste et Citoyenneté, les mêmes causes doivent produire les mêmes effets. En juillet dernier nous avions souligné que la question de l’eau, en tant que bien commun vital, dépasse à l’évidence les intérêts particuliers d’une commune. Dans une logique de mutualisation et de solidarité, Est Ensemble a adopté unanimement en décembre 2017 une solution de compromis négociée avec le SEDIF et 2 autres territoires et s’est donné un délai de réflexion de 2 ans pour étudier le passage à la gestion publique. Si Noisy ou Bobigny avaient d’emblée refusé la convention, la situation serait différente. Aujourd’hui, nous estimons que la réadhésion unilatérale de ces deux villes, alors que le travail de réflexion n’est pas achevé, fait fi du collectif et nous affaiblit en nous divisant dans la phase cruciale de négociation qui va s’engager. Elle doit donc être rejetée pour préserver l’intérêt d’Est Ensemble, qui ne se réduit pas à la somme des intérêts bien compris de chacune des villes. Chacun se décidera en conscience au terme de la période de réflexion.

Au-delà de ces questions de principes, un certain nombre d’arguments fallacieux sont avancés pour étayer la demande de réadhésion. On nous annonce un coût de sortie du SEDIF à 160 millions d’euros, somme astronomique que nous n’aurions pas. Or ce chiffre destiné à faire peur ne repose sur rien. 3 scénarios nous ont été présentés en décembre dernier, à 57, 103 et 136 millions d’euros pour le plus coûteux. Les durées d’amortissement étant de 40 ans, cela représente une dépense annuelle de 1,5 à 3 millions d’euros, ce qui est tout à fait raisonnable, surtout quand on considère que l’eau du SEDIF est l’une des plus chères de France. Par ailleurs le Président Cosme a obtenu le soutien de la banque des territoires pour financer ces investissements, signe indéniable de la viabilité financière du projet.

On nous explique que la réadhésion de Noisy et Bobigny ne compromet en rien le passage en régie publique, qu’elle n’est que provisoire et doit simplement permettre à ces deux villes de peser sur les décisions du SEDIF. En réalité cette réadhésion est définitive. Chacun sait qu’il est impossible de sortir du SEDIF une fois qu’on y a adhéré, sauf nouvelle réforme territoriale. En outre on voit mal en quoi deux villes pourraient peser sur les décisions d’un syndicat qui en réunit 150, d’autant plus que leurs deux maires sont de la même couleur politique que le Président Santini! Enfin, et surtout, quand on évoque la souveraineté de Noisy et de Bobigny, il ne faut pas oublier la souveraineté de Bondy que cette réadhésion va nécessairement léser. En raison de sa position géographique, elle n’aura pas d’autre choix que de s’approvisionner en eau du SEDIF. Une adhésion de Noisy et Bobigny va aussi engendrer des coûts de déconnexion supplémentaires. Qui va les supporter? Il serait scandaleux que ces coûts soient supportés par la future régie publique, ce qui plomberait ses comptes dès le départ, alors que ces mêmes villes mettent déjà en avant le coût supposé de la régie pour nous dissuader d’adopter ce mode de gestion. Cette réadhésion compromet donc la souveraineté d’Est Ensemble et sa capacité à adopter le mode de gestion qu’elle souhaite, il faut que chacun en ait conscience.

Venons-en aux menaces. Le Président Santini a brandi la carotte et le bâton.

La carotte c’est, si nous votons bien, la promesse d’une prolongation de la convention au-delà de la fin de l’année pour nous permettre d’achever nos études. Le bâton, c’est la menace d’une hausse du prix de l’eau si la convention n’est pas renouvelée, quelques mois avant les élections municipales. C’est aussi la menace de bloquer les travaux de dévoiement des canalisations d’eau nécessaires à la construction du bassin d’entraînement olympique de Bondy.

Prouvons au Président Santini que nous ne sommes pas des ânes. Et que ces menaces sont inadmissibles. Tout ce qui concerne les jeux olympiques dépend d’une loi-cadre. C’est donc l’Etat qui est garant de la réalisation des travaux et un Président de Syndicat n’a heureusement pas le pouvoir de s’y opposer. Le Préfet doit être saisi. Quant à la hausse des tarifs de l’eau qui frapperait les usagers de l’un des territoires les plus pauvres de France, qui peut croire, dans le contexte du mouvement des Gilets Jaunes, que Véolia prendrait le risque politique de nous l’imposer?

La seule réponse possible est de considérer que la convention ne sera pas prolongée et de mettre les bouchées doubles pour achever notre travail de préparation à ce passage en régie, en nous entourant des toutes les compétences et moyens nécessaires. Et de ne pas nous laisser détourner de cet objectif commun, puisqu’à écouter les uns et les autres, tout le monde ou presque est favorable à la gestion publique. Redisons-le, la gestion publique de l’eau est une exigence démocratique, sociale et écologique parce que nous savons que nous allons vers des périodes de raréfaction de la ressource et qu’il est donc essentiel de pouvoir assurer son accès à tous les usagers, dans une gestion de proximité, transparente et respectueuse de l’environnement. Elle a été adoptée par de nombreuses villes et territoires, toutes couleurs confondues, et ne peut pas être considérée comme une réforme « idéologique » ou « partisane » comme on l’entend parfois.

Face à la grave crise politique que traverse notre pays en ce moment, il est grand temps de mettre nos discours en accord avec nos actes.

Pour toutes ces raisons, en cohérence avec notre précédent vote, notre groupe votera contre cette délibération. »

Le résultat final du vote à bulletin secret est de 26 contre, 38 pour et 8 abst alors même qu’une large majorité avait rejeté cette réadhésion au mois de juillet (35 contre, 25 pour et 12 blancs et nuls voir notre article ). Un véritable déni de démocratie dénoncé par Gilles Robel et Nabil Rabhi, les deux représentants du groupe à Est-Ensemble.

Pour aller plus loin sur le sujet :

https://montreuilecolo.eelv.fr/category/gestion-publique-de-leau/

Gestion de l’eau : les élu-e-s mobilisés avec les gilets bleus contre l’exclusion d’Est Ensemble par le Sedif

Passage à la gestion publique de l’eau : pour une volonté claire et des démarches transparentes

Pour une gestion publique de l’eau d’Est-Ensemble : mobilisons nous !

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