La biffe, une activité utile qui doit être mieux encadrée
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La décision de la Mairie de Paris de repousser hors de son territoire les biffins, pourtant installés le long du périphérique depuis de nombreuses années, a eu pour conséquence un transfert des biffins vers le bas Montreuil. Non encadrée, faite de façon désorganisée, sans concertation, cette implantation pose de nombreux problèmes et nuisances (sécurité pour les piétons, propreté, circulation, bruit) auxquelles sont confrontés les riverains depuis de nombreux mois. Face à cela, et malgré la mobilisation par la ville de Montreuil de nombreux moyens humains et financiers, pour empêcher leur installation et nettoyer les lieux, la municipalité reste impuissante alors que la police nationale n’intervient que très rarement, contrairement à ce qui est fait côté Paris. Notre ville ne peut pas gérer seule une situation devenue intolérable pour les riverains mais aussi pour les biffins tant les tensions sont fortes aujourd’hui dans ce quartier.

Si l’implantation actuelle des biffins pose évidemment problème, rue Armand Carrel, rue du Progrès, nous n’y sommes pas opposés par principe et nous pensons que la répression aveugle est une fausse solution. Rappelons que les biffins sont avant tout surtout des femmes et des hommes, à faibles ressources, parfois sans abri, et n’ayant pour seul moyen de survie que celui de vendre des objets recherchés dans les rues, les poubelles. Loin d’être négative, la biffe peut s’avérer très utile puisqu’elle permet une vraie valorisation des déchets baissant à la fois le volume final de déchets et améliorant leur recyclage. C’est une pratique ancienne, qu’Agnès Varda a magnifiquement raconté dans son film, Les glaneurs et la glaneuse, qui montre bien comment ces métiers coexistent et se déjouent d’une société de consommation qui ne se préoccupe pas assez de ce qu’elle consomme et de ce qu’elle jette…comme dans la chanson de Jacques Dutronc, « Quand c’est usé je le jette, et j’le rachète ! ».

C’est pour cela que Montreuil a souhaité dès 2010 donner une place aux biffins. Grâce à une étroite collaboration avec l’association Amelior (Association des Marchés Economiques Locaux Individuels et Organisés du recyclage) des solutions ont été trouvées pour proposer aux biffins des alternatives à la vente à la sauvette. Cela passe notamment par un marché mensuel sous la halle de la Croix de Chavaux et une recommandation aux organisateurs de brocantes de mettre à disposition des espaces réservés, avec une prise en charge des invendus à la fin de la brocante.

Pour nous cette piste doit être poursuivie. La biffe répond à une demande, elle a une fonction sociale importante, pour ceux qui achètent et pour ceux qui vendent. Elle constitue une filière à part entière, au sein de l’économie circulaire, qui mérite d’être structurée. Nous pensons qu’une des solutions pour résoudre la situation actuelle est que l’ensemble des villes limitrophes travaillent avec des associations comme Amelior pour elles aussi proposer des alternatives à la vente à la sauvette. Nous invitons Paris réexaminer sa décision et proposons que la biffe soit tolérée le long du périphérique un ou deux jours par semaine ce qui permet d’en limiter l’éventuel impact car c’est éloigné des habitations. Enfin nous proposons qu’à Montreuil, la municipalité organise deux marchés des biffins à Croix de Chavaux au lieu d’un seul.

A l’heure où le gouvernement s’interroge sur la mise en place de contreparties à exiger des bénéficiaires d’aides sociales, il serait plus intelligent d’accompagner ceux qui s’inventent un emploi tout en réduisant l’immense gâchis que nos poubelles révèlent tous les jours, avec un encadrement approprié pour éviter les nuisances.