Déclaration d’urgence climatique : intervention de Muriel Casalaspro – CM du 26/06/2019
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Lors du dernier conseil municipal nous avions pointé  les rendez-vous manqués du budget 2019 et notamment celui de la transition écologique qui peine à se concrétiser tant en matière de traductions budgétaires que de mise en oeuvre concrète

Aujourd’hui est présentée une déclaration d’urgence climatique dont le caractère purement déclaratif et en décalage avec les actes et le manque général d’ambition que nous pointons depuis plusieurs années, ne manque pas de nous interroger à plusieurs titres.

Il est vrai que les succès récents des Marches pour le climat, des rassemblements des coquelicots, de la pétition record de l’Affaire du Siècle, des grèves climatiques menées par les jeunes ou encore des actions de désobéissances civiles sont autant de signes envoyés par les citoyens pour que les responsables politiques assument leurs responsabilités et agissent pour la transition écologique afin de protéger et de préserver notre planète. L’élection européenne qui a placé l’écologie à un niveau record avec plus de 3 millions de voix a confirmé cette demande citoyenne.

Dans ce contexte, les annonces fleurissent jusqu’au plus haut niveau de l’État puisqu’Édouard Philippe a fait de l’écologie la grande priorité du gouvernement dans son récent discours de politique générale, priorité contredite tous les jours dans les faits par des décisions climaticides… Les virages « écologistes » semblent se multiplier ces derniers jours. Un verdissement soudain qui serait presque amusant si la transition écologique n’avait pas justement pris beaucoup de retard faute de traduction en actes de belles déclarations qui se limitent souvent à quelques mesures symboliques, faute également à une confusion persistante entre environnementalisme et écologie politique.

Pourtant, plus qu’une simple écologie d’accompagnement, plus que de simples mesures destinées à aménager notre système social et économique pour atténuer les conséquences du dérèglement, les défis climatiques mais aussi l’impératif de protection et de préservation des écosystèmes et de la biodiversité impliquent une véritable écologie de transformation de notre monde. Pour réussir cette transition écologique, l’écologie doit être la colonne vertébrale à partir de laquelle se construisent les politiques publiques. Transversale, elle doit être la matrice commune de l’ensemble des politiques mises en place sur les territoires aussi bien en matière d’urbanisme, d’aménagement, de mobilité, d’énergie, de déchets, d’agriculture ou encore d’alimentation. 

A Montreuil, le succès de la liste écologiste aux européennes arrivée première avec plus de 24 % du suffrage nous met plus que jamais face à la responsabilité d’agir et nous ne pouvons que souscrire à une déclaration d’État d’urgence climatique. Toutefois cela ne doit pas se limiter à un effet d’annonce opportun à 8 mois des prochaines élections municipales.

Pour qu’une déclaration d’urgence soit totalement crédible, il faut l’examiner à la mesure des décisions déjà prises et des pratiques actuelles.

Pour qu’une déclaration d’urgence déclinant quelques grands objectifs soit vraiment suivie d’effets, les conditions pour les atteindre et surtout pour les évaluer en continu doivent être prévues. 

De ce point de vue, les décalages entre les intentions affichées et les actes réels sont importants.

En déclarant l’État d’Urgence climatique, vous vous engagez à ce que la transition écologique irrigue l’ensemble des politiques publiques locales, mais cela implique t-il une relecture complète du programme d’urbanisation du secteur des Murs à Pêches, notamment ses 4 portes ? Chacun sait que la construction de logements qui est présentée comme une « éventualité » dans le nouveau PLU se réalisera vu la pression foncière. Sans parler de l’urbanisation des parcelles naturelles à côté de l’usine EIF livrées à Bouygues. Il est grand temps d’inventer un modèle de gouvernance des communs qui soit adapté aux défis actuels et de mettre un terme au mitage de ce secteur. Ces projets d’urbanisation et de privatisation d’une partie des Murs-à-Pêches apparaissent comme totalement à contre-courant de la sanctuarisation d’un maximum d’espace vert que nous devrions porter face à la bétonisation massive. L’urbanisation des Murs-à-Pêches qui va accentuer le déficit en espaces verts et de pleine terre va tout à fait à l’encontre des enjeux de résilience et de lutte contre les effets du dérèglement climatique auxquels la ville doit répondre par l’imperméabilisation qu’elle crée. Le dérèglement climatique nous oblige à repenser la ville, à avoir un engagement sans faille sur la résilience et un tel projet n’est clairement pas compatible avec cela et encore moins avec une déclaration d’urgence climatique.

Par ailleurs, et alors que l’on a pu assister au détricotage d’un certain nombre d’outils et de stratégies élaborés avant 2014, on peut s’interroger sur les moyens qui seront mis en œuvre aujourd’hui

Le démantèlement du service énergie et du travail de diagnostic et de stratégie d’économie d’énergie qu’il menait, l’abandon de l’Agenda 21 local et de ses critères d’évaluation pourtant indispensables pour suivre les actions dans le temps ou encore du plan climat communal, nous ont privé d’outils de programmation rigoureux pour une collectivité comme la notre. 

On peut même parler de régression dans certains domaines ou encore de timidité dans les actions mises en place : pas de démarche zéro plastique et un abandon des ecocup pour les cérémonies de la ville, pas de plan de lutte contre le gaspillage alimentaire, un manque d’accompagnement des ménages pour la mise en place de la Zone à Faible Émission comme une prime à l’achat de vélo électrique. 

Montreuil doit aussi mettre les bouchées doubles sur la végétalisation de l’espace public. Nous vous réinterpellons sur la nécessité d’aller beaucoup plus loin sur le dispositif « Montreuil est notre Jardin » en le transformant en appel à projet de végétalisation illimité dans le temps comme ce qui est fait à Paris avec les permis de végétalisation. L’obstination qu’il y’a eu en début de mandat à goudronner les pieds d’arbre reste incompréhensible alors que nous connaissons les multiples avantages esthétiques et écologiques de leur végétalisation. Nous en demandons donc une nouvelle fois le dégoudronnage immédiat. Le remplacement des nombreux arbres abattus et la plantation massive d’arbres doivent être accélérée pour améliorer la qualité de l’air, réguler les îlots de chaleur et offrir de nouveaux refuges à la biodiversité.

Au sujet de l’abattage d’arbres, voilà des semaines que nous réclamons en vain l’étude phytosanitaire qui justifie l’abattage des platanes de la place de la Fraternité. Nous demandons que l’abattage soit différé tant que ces infos ne nous ont pas été communiquées. L’écologie c’est aussi la transparence. Ces informations nous y avons droit ainsi que nos concitoyens

Les belles intentions d’aujourd’hui ne peuvent pas compenser les renoncements d’hier.

Que dire encore de l’objectif de s’inscrire dans un plan de « trajectoire +1,5°C » sans disposer de moyens de le mesurer dans la durée, sans véritable stratégie globale sinon des études d’impact systématiques des projets. De quels projets parle t-on alors même que c’est chaque action, chaque pratique qui doit être réinterrogée.

La responsabilité écologique que vous revendiquez c’est aussi la recherche de cohérence sur l’ensemble de nos actions. Et nous ne pouvons pas justifier la publicité et les exonérations fiscales offertes grâce au fond de dotations « Montreuil solidaire » à des groupes peu vertueux en matière écologique : il s’agit de  Bouygues, Vinci (qui déverse du ciment dans la Seine) , Eiffage (tous les 3 plusieurs fois classée par le WWF parmi les 25 entreprises françaises qui impactent le plus les écosystèmes mondiaux) ou encore BNP PARIBAS cité par l’ong Oxfam comme banque française la plus climaticide et qui s’est illustré par ses importantes réductions de financements à destination des énergies renouvelables au profit des énergies fossiles. 

Enfin que dire de la promotion faite à Veolia accusée de lourde pollution au Gabon et récompensée par les Amis de la Terre du « prix Pinocchio du développement durable » pour son action en Inde, entreprise largement mise en avant sur les invitations au meeting d’athlétisme de Montreuil distribuées dans l’ensemble des boites aux lettres de la ville ? 

Nous ne pouvons décemment pas déclarer l’urgence climatique  d’un côté et continuer par le fonds de dotation à valoriser des entreprises climaticides de l’autre !

Là encore un exemple éclatant de contradiction profonde entre les actes quotidiens et les intentions affichées à grand renfort de communication.